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Végétal

Native,Vol.II VEGETAL – Exposition Collective

Commissariat: mg.atmsphere – Présenté par la galerie Romero Paproki et la galerie Faure Beaulieu

Caresse des herbes hautes

Exposées en série comme une fresque panoramique, les peintures d’Eric Bourguignon, ne
nous dévoilent pas une vue dégagée sur un paysage lointain ; plusieurs fenêtres s’ouvrent à
hauteur de nos yeux, et entraînent nos pupilles à sillonner les chemins de traverse d’un
jardin anglais, suivant les règles de cet ordre désordonné. L’artiste choisit de dépouiller ces
paysages de toutes silhouettes humaines et de mettre le végétal sur le devant de la scène,
nous laissant seul spectateur de cette nature

Bousculés par ce qui se dessine sous nos yeux, la distance se floute et le lointain se
rapproche. De si loin, une forêt de cyprès, de si près, des étamines par milliers. Pas de ciel
vide, ni de ciel bleu. Eric Bourguignon place notre regard à ras du sol, dans l’herbe fraîche,
avec la brise qui berce, les graminées qui grattent. C’est un moment d’intimité avec cette
verdure farouche.

L’artiste trouve cette richesse de textures ; les peintures de cire ou les pigments dilués à l’eau,
à l’huile, donnent à son jardin cette carnation aqueuse et charnue. La superposition de ses
différentes couches nous découvre un paysage qui se voile et se dévoile, d’une pudeur et
d’une lascivité. Une végétation de chair et de mucus, dont les pétales pourpres surgissent de
la fange verdoyante. Le vert si vert de ces plantes leur octroie une lumière qui transcende nos
rétines humaines.

Ces peintures, comme une série de plaquettes de visions microscopiques, dérobent les
végétaux jusqu’à la moelle et nous exposent les pistils tendus, les cytoplasmes iridescents, le
pollen cotonneux, jusqu’aux cellules translucides. Loin des représentations scientifiques,
tous ces corps vivaces naissent d’une fantasmagorie donnant vie à un monde végétal
mouvant, mutant, qui nous dévore de ses fluides.
Les peintures d’Eric Bourguignon ne suivent pas de narration, c’est une nature brute qui
s’invente et se construit de souvenirs, de sensations, d’émotions et de gestes instinctifs.
Paradoxalement, le temps de la peinture, du séchage, induit aussi cette notion de temps qui
passe et nous embrume d’une forme de mélancolie. Finalement, ces parcs fleuris, ces fourrés
exaltés dont l’énergie vitale irradie tendent également à s’effacer et à se fondre à l’été passé.

Pauline Faivre